Re: Le corbeau et l'hirondelle

Pour se battre il est toujours temps,
Il n’est jamais trop ,
Ne pas refuser la vie en refusant la souffrance...
Une hirondelle a grandi
Elle a trouvé un nouveau nid,
elle s’est fait de nouveaux amis
son expérience l’a murie,
Les corbeaux s’ils la regardent encore
Ne peuvent plus l’atteindre :
Leurs ruses elle les connaît
Leur grincement de voix
Ne la fait plus trembler,
Elle sait.
Jeu 27 Juil 2006, 07:01 par dolce vita sur L'amour en vrac

Mont des brumes (6)

Un paysage urbain que l’on devine dans la brume du matin. Au loin, le bruit des bateliers. Leurs appels. Il fait un froid humide, le soleil est loin de la ville, il ne peut percer la moiteur feutrée que l’on sent peser sur la citée engourdie... Dès l’aube, les bruits des voitures à chevaux se succèdent et envahissent la scène, se répercutent sur les immeubles à quatre étages, jusqu’au chapeau pointu de la dame de fer qui sort de son sommeil, immobile... Aux Halles, des amoncellements de couleurs jusqu’à la nausée... Toine sait bien ce qu’on murmure dans le dos de Job.
Un beau jour, celle qui tenait salon a exposé des toiles partout, comme les indices d’une chasse au trésor menant... à Frédéric. Deux mois, pendant plus de deux mois elle les a tenu en haleine. Avec dans chaque tableau un symbole, un rien qui permettait de déchiffrer l’énigme et le comble c’est que tout Paris s’est évertué - en vain - à identifier le plaisantin qui passait d’un académisme à faire hurler Zola aux oeuvres les plus révolutionnaires : impressions fugaces de l’instant, expression d’un ressenti sublimé par la couleur, encore la couleur et toujours la couleur... Et puis, au bout de deux longs mois, la révélation. Frédéric était montré comme un singe savant de salon en vernissage. On se l’arrachait. Jusqu’au jour du drame. Ils s’étaient disputés. Il lui avait crié sa révolte, il était devenu ce qu’il haïssait le plus au monde : une valeur sûre. Elle l’avait regardé une dernière fois sans un mot, les yeux froids de colère, et puis elle avait claqué la porte derrière elle. Avant qu’il n’ait eu le temps de courir après elle, il était trop . Elle gisait, là, dans la boue parisienne du petit matin, arrêtée dans son élan par le sabot d’un cheval reçu en pleine poitrine, les roses rouges de l’amour épanouie sur son sein...
Toine a fini son café et il s’apprête à regagner son bout de place enfin baigné de soleil lorsque le sourire triste de Job se pose sur lui.
Mar 27 Juin 2006, 09:21 par dolce vita sur Histoires d'amour

La jeune fille du train

Moi, les femmes, je les ai toujours aimées. Leurs charmes, leur gentillesse, leurs beautés... Je ne dis pas par-là que je suis un véritable Don Juan mais je dois admettre que j’ai toujours beaucoup apprécié la compagnie des femmes. Parfois ce n’était que de petites aventures sans lendemain, des flirts comme on les appelle. Mais quelque fois la relation durait plus longtemps.
En revanche, je n’ai réellement été amoureux qu’une seule fois. Le destin applique sa sentence à bien des situations inexplicables. Inutile d’être expert en la matière pour voir que la vie nous cache le bonheur. Elle a ses plans, ses ambitions. Nous avons beau essayer de les contourner elles nous rattrapent à chaque fois.
Alors, si je suis amoureux, on peut trouver cela bien. Car l’on va pouvoir se nourrir de mon bonheur. D’un bonheur qui ne m’a jamais sourit. Du bonheur que je n’ai jamais eu avec elle. Celle dont j’ai été amoureux.

Je suis un jeune homme. Ni beau, ni laid. Sans autre actuelle pensée que celle d’être heureux, comme tous les jeunes hommes de mon âge. L’âge de l’amour? Non. L’âge d’un pseudo-bonheur.
Je suis au lycée, j’ai ma routine hebdomadaire. Je suis à l’internat. Chaque lundi matin, je prends le train qui m’emmène auprès de mon école. Chaque matin, dans ce train, je vis autre chose que ma routine. Chaque matin, dans ce train, je ne suis personne, tout comme les autres personnes dans ce même train ne sont personne. Ce train est un lieu de théâtre. Une scène où se jouent des pièces silencieuses, muettes et intimes. Un endroit où toutes les semaines je revis la même pièce.

Merveilleuse histoire que celle qui ne dure pas. Elle s’engouffre par une fissure de notre vie. Un instant où nous sommes coupés du reste du monde. Un moment où nous nous retrouvons seuls, confrontés et accompagnés par des centaines de personnes qui ne sont personne. Une bribe de temps où nous sommes vulnérables, mais réceptifs à certaines sensations inconnues à la vie ordinaire.

Le jeune garçon de 16 ans que j’étais, attend sur le quai. Le vent glacé de la région lui donne la chair de poule et l’envie que le train arrive. Il attend encore un peu. Il arrive. La porte coulissante du wagon s’ouvre et le jeune garçon entre à l’intérieur. Le train est remplit mais il reste encore quelques places ici et là.
Il en choisit une et s’assied. Il y a une femme en face de lui. Une jeune femme, plutôt, se dit-il après un nouveau coup d’œil. En fait, elle a peut-être le même âge que lui. Ou est-elle plus jeune? Il ne sait pas. Curieux qu’il ne puisse pas s’empêcher de la regarder! Elle n’est pas tellement belle. Mais elle a un charme inouï. En fait elle est magnifique. Ses longs cheveux rouges sombres tombent dans une cascade aphrodisiaque de chaque côté de son corps et de part et d’autre de sa tête. Son visage, quoique d’apparence neutre, semble figé dans une expression de modestie naturelle. Son regard est fixé sur le sol, ses yeux sont noirs, intenses et leur maquillage n’est ni trop gras, ni trop fin. Ce noir marque un regard violent, mais doux à la fois... il est vide, désespérant. Il possède une fougue si triste, si enfouie. D’une lividité emplit de mélancolie et d’amertume. Mais neutre. Son nez n’est ni long ni court, il est magnifique. Il appartient lui aussi au miracle.
Pendant une fraction de seconde leurs regards se croisent. Elle aussi l’a remarqué, elle non plus ne le connaît pas. Elle aussi le trouve ni beau ni laid, magnifique. L’instant de se premier regard est unique, éternel. Dépourvu de tout sens moral. Un laps de temps éphémère où ni l’un ni l’autre n’avait cherché à se cacher. Une force invisible s’était installée entre eux durant la longue durée de cet infime instant.
La bouche de la jeune fille s’entrouvrit, puis se referma aussitôt. Inutile, il n’y a rien à dire.
Le voyage est court, à peine plus d’une demi-heure. Les deux jeunes gens n’ont pas arrêté de se titiller du regard. A chaque fois que l’un posait les yeux sur l’autre, ce dernier détournait les yeux. Ils jouaient spontanément et inconsciemment à un jeu. Un jeu où il n’y avait aucun perdant. Mais que des gagnants. Le train s’arrêta. Le jeu était terminé.

Je n’aime pas dire que ce que j’éprouve à quelqu’un. Je n’est jamais dit "je t’aime" à une femme. Sauf à une, je ne pense pas que je l’aimais au début. A ce moment, elle devait être pour moi semblable à toutes les autres. Mais j’ai appris à l’aimer, j’ai appris à aimer. Je ne savais pas ce que c’était. J’aurais voulu ne jamais le savoir.
Aimer quelqu’un, c’est tout remettre en question. Sa vie, ses amis... soi-même. Aimer c’est être tellement attiré par une personne que l‘on touche la mort du doigt. On vit pour désirer la mort. Je l’ai aimée, je l’ai trop aimée, je l’ai aimée à l’en tuer. Et elle m’a aimée à s’en tuer, à en vouloir que je la tue. Elle est celle pour qui il vaut encore la peine de rester ici, même si elle est déjà partie.

Je la rencontre au lycée. Elle, un an de moins que moi. Elle n’a pas connu ce lycée sans moi autant que je ne l’ai connu sans elle. Elle est apparue pour moi, semblable à des dizaines d’autres qui arrivent tous les ans. Elle m’a découvert en même temps que l’immensité d’une nouvelle vie. Dès le premier instant, elle m’avait aimé. Au bout de trois semaines je l’avais repérée. Du haut de mon arrogance. Accompagné par des dizaines d’amis. Recherchant la fraîcheur de la jeunesse. C’est trop! Je me dégoûte. Qui suis-je pour pouvoir traiter cette jeune fille de cette façon? Qui suis-je pour revendiquer mes droits au sein de cette communauté dans le seul but de trouver une fille avec qui je passerai du bon temps et à qui je croirais faire passer du bon temps?
La jeune fille que j’avais repérée était discrète et incroyablement jolie. Parfaite. Elle parlait avec ses copines. Des filles superficielles. Non. Des filles normales. Je n’avais pas le droit de les juger par référence à ce que j’étais.
Je fis sa connaissance. Il s’agira d’une relation prometteuse. Je pensais à l’époque que je ne m’en lasserais pas avant au moins 2 mois. Imbécile!

Tous les matins, le jeu recommence, toujours les mêmes titillements. Toujours ces expressions vides, ne pouvant refléter ce qui se passait dans la vie extérieure. Il la regarde, elle le voit, tourne les yeux. Il les détourne à son tour. Merveilleux. Il oublit tout. Il oublit qu’il est un coureur de fille. Il oublit qu’il veut sortir avec la jeune fille moins âgée que lui, celle qu’il apprendra à aimer, celle qui le fera changer. La seule, l’unique.

Je suis pressé. Depuis le temps que je la connais, si seulement je pouvais l’embrasser. C’est la première fois qu’une fille me donne autant de fil à retordre. J’ai déjà passé suffisamment de soirées en tête à tête avec elle. J’aurais déjà dû passer à l’action.
Mes amis commencent à se poser des questions. Pourquoi ne se passe t-il rien? Pourquoi n’y a t-il eu rien de fait encore? J’ai honte. La réputation qui me précède désormais devient de plus en plus ridicule. Il faut que je la lâche pour en trouver une autre moins difficile.
Non. Je ne peux pas. Je suis attiré. C’est avec elle que je veux être ! Cela fait maintenant deux mois que nous nous connaissons. C’est long. Elle trouve des excuses. Elle veut être sûre. Mais je le suis déjà. Elle est timide. Je ne le suis pas.

Aujourd’hui, elle est bien au rendez-vous. Elle y est toujours d’ailleurs. Elle n’en manque jamais. Elle est toujours dans le même wagon, toujours mais cette fois elle n’est pas à la même place. Il y a quelque chose d’anormal. Elle est là, la symbiose se déroule toujours selon le même plan, cependant il y a une différence il ne sait pas se que c’est mais quelque chose ne va pas, il en est certain. Ce n’est pas chez la jeune fille du train, c’est plutôt dans sa véritable vie.
Mais pire que tout, il a vu un autre détail surprenant. Dans les yeux de la jeune fille normalement vide de toute expression, il a trouvé une larme.

Je suis seul avec elle, encore une fois. Je commence à douter qu’une relation entre nous deux puisse existée.
Il fait noir. Nous sommes au sous-sol, sous un escalier. Nous aimons cet endroit. Nous parlons. Peu, mais nous parlons. Je ne la vois pas. Je distingue juste ces traits dans la pénombre. Je l’entends renifler. Je lui demande ce qu’elle a. Elle me répond qu’il n’y a rien. Ça va passer. Et puis elle éclate en sanglots. Elle m’attrape. Je la prends dans mes bras. Je la serre et l’entend pleurer. Je sens la chaleur de son corps blottit contre moi. C’est la première fois que nous sommes aussi proches. Je lui demande une nouvelle fois ce qui ne va pas et elle me dit qu’elle m’aime. Elle dit qu’elle n’a jamais aimé personne autant que moi. Elle dit encore qu’elle en est malade, qu’elle m’aime à en mourir, et que c’est sans doute ce qui va finir par arriver s’y elle continue de m’aimer.
Je ne comprends pas. Je suis déconcerté. Je lui dis que nous pouvons nous aimer, je lui dis que moi aussi je l’aime...
Première défaillance, je me suis rendu compte plus de ce que je lui avais dit.
Elle me répond qu’elle ne peut pas m’aimer, elle me répond que je ne peux pas non plus. Et elle pleure. C’est atroce de voir son petit corps tout frêle, tout innocent dans cet état. Je lui demande pourquoi nous ne pouvons pas nous aimer? Elle me répond que toutes les excuses qu’elle m’avait dites jusqu’à présent étaient fausses. Elle me dit que si elle ne peut pas m’embrasser, c’est parce qu’elle est malade. Elle est atrocement malade. Elle risque de mourir. Et elle ne peut pas m’embrasser, sinon elle est sera certaine d’en finir. Elle saura si elle peut m’embrasser au moment où sa maladie la fera mourir si elle ne peut pas.
Je suis abattu. Quel choc ! Je remonte seul dans m’a chambre, alors que la même larme que celle qui tombait des yeux de la jeune fille du train tombe à présent sur mes joues.

Au fond de son lit, il est désorienté, confus. Il voit la lune à travers la fenêtre. L’astre l’entraîne encore un peu plus dans son propre désespoir de la nuit. Elle le plonge dans son abîme pour l’y noyer dans son jus de chagrin. Il n’a jamais été comme ça. Cette épreuve n’a pas fini de le changer. Que doit-il faire? Réagir comme il l’aurait fait avant: laisser tomber cette fille et en trouver une autre ? Non. Il ne peut pas. Il a changé. A présent il a des sentiments. Il le sent, il aime cette fille. Il ne la laissera pas tomber. Il l’aime. Il lui a dit.

La jeune fille du train l’avait bien prédit, il y avait bien quelque chose d’anormal. Savait-elle ce que c’était. J’en doute. Elle n’est que la fille du train. Celle dont je suis l’unique à connaître. Elle est toujours vide d’expression. Elle ne pleure plus. L’heure est venue de se battre ; c’est ce qu’il faudra que je fasse. Me battre pour celle que j’aime. Celle à qui j’ai dit "je t’aime". La seule, l’unique. Se battre... Pour qu’elle ne meurt pas. Mais y pouvons-nous vraiment quelque chose? La fille du train est toujours là. Elle ne manque jamais à son à devoir de me guider. Pas directement. Mais juste pour que je ne quitte jamais le droit chemin de la décence.

Je suis malheureux, et je partage ma peine avec celle que j’aime. Nous avons tout de même décidé de nous aimer. Au-delà de la maladie. Au-delà de la désespérance de notre condition. Nous nous aimons. Nous nous étreignons, nous sommes constamment dans les bras l’un de l’autre. Mais jamais nous nous ne nous embrassons. Atroce. C’est une autre épreuve à traverser. Plus insoutenable encore. Mais nous tenons. Nous n’avons pas le choix.

Je la regarde, abattue, je ne vois en elle aucun espoir. Aucune force de se battre. Seulement l’envie, le désir de m’embrasser. Plusieurs fois nous avons frôlé la catastrophe. Plusieurs fois nos lèvres on faillit se toucher. Plusieurs fois la haine nous est apparue contre l’amour, la haine d’avoir à endurer cette épreuve, de devoir nous confronter à cet obstacle. De ne plus avancer, de stagner toujours au même endroit. Arrêtés à jamais sur notre chemin.
Que faire? Attendre les trois mois qui restent. Attendre et peut-être la voir mourir, sans qu’elle en ait profité. Sans qu’elle n’ait profité de mes lèvres et sans que je n’aie profité des siennes ! Où bien tenter. La vie est un jeu, après tout, mais si nous tentons, alors elle devra attendre que je la rejoigne, là-haut, vers elle.
J’ai compris. Les mots seuls ne suffisaient pas. J’ai vu au-delà du corps de la belle et innocent petite jeune fille de 15 ans. J’ai vu que je l’aimais. Elle me l’a fait comprendre. Pour la première fois de ma vie, j’aime, et je suis malheureux d’aimer.
Je ne veux pas tenter. Je ne veux pas la voir mourir. Elle ne sait pas. Elle est partagée.
Notre amour n’est pas commun. Elle m’aime. Mais elle m’aime à en mourir.

Depuis le début de cette fable, l’espoir se tarit dans l’ombre. L’avoir dans ses bras sans pouvoir la posséder, il en veut à toute l’humanité de lui avoir concédé un seul grand amour à travers celle que jamais, jamais il ne pourra embrasser.

La jeune femme aux cheveux rouges dans le train, elle, ne l’aime pas. Lui non plus d’ailleurs. Ils sont le divertissement l’un de l’autre. Ils ne s’aiment pas, ils aiment l’attrait que l’un a pour l’autre. Ils aiment l’histoire du train, le jeu du regard, du titillement.
Elle est là, vide, indifférente. Seulement en apparence, en fait elle attend la venue de l’autre, de l’homme du train. Celui avec qui elle joue à un jeu. Aujourd’hui il est triste. Il y a une larme au coin de son œil droit. Mais il fait son possible pour paraître comme d’habitude. Mais la jeune fille voit bien qu’il n’est pas pareil. Elle voit bien qu’il est désespéré.
Mais rien n’y paraît, ils jouent encore.

Il fait nuit. Il ne devrait pas être dehors. S’il se fait prendre, il sera punit. Qu’est ce qu’il s’en fout ! Il est dehors car il a besoin de crier. Il y a toujours cette lune qui le regarde. Il lui hurle sa détresse. Il lui chante sa complainte. Astre de la nuit. Piédestal de la lamentation ! Entend les cris de cet homme. Pour lui le bonheur s’arrêtera bientôt. Il a vu dans ses rêves, l’immonde faucheuse d’âmes de la mort. Elle ne le désigne pas. Elle le regarde. Elle rit. Elle chante, qu’elle est heureuse. Et le jeune garçon s’effondre sur le sol, sous le regard de la l’astre de minuit, sous les regards de millions d’étoiles. Il tombe à terre devant la puissance de ce dilemme.
Il aime. Il ne veut pas du plus beau cadeau de dieu, l’amour. Il se relève. Il hait ce dieu que vénèrent ses parents, il l’insulte, lui lance des pierres. Il veut que ce dieu reprenne son amour. Il n’en veut pas. Ou alors qu’il reprenne sa maladie, il n’en veut pas n’ont plus. Ses yeux sont rouges à cause de la colère. Il voit le sang. Le sang des innocents. Pourquoi ce même sang doit-il toujours couler ?
Il ne veut plus rejoindre ce dieu. Il préfère l’enfer. Il haïra dieu aussi longtemps qu’il vivra et même un peu plus.

Tu m’a élevé, toute ma vie tu m’a fait comprendre que seul le bonheur comptait, le bonheur qui fait des heureux, le seul bonheur, qui existe et celui dont je suis malheureux. Je t’aimais, donc je mentais. Je te mens, toi le destin, mais j’aime. J’aime réellement. J’aime cette fille, l’innocente qui m’aime, mais j’aime aussi te détester. J’aime te mépriser. Je te méprise autant que tu as essayé de m’aider. Car tu n’as pas emprunté le bon chemin. Puisse-tu être renvoyé à dieu, avec ta cousine, la fatalité. Je n’avais pas pour habitude de t’avoir en horreur mais l’éducation que tu m’as donnée m’a appris à dédaigner la médiocrité. Tu m‘arrachais le cœur, tu m’écorchais la peau, tu m’a tué... alors je t’ai tué, je t’ai écorché de ma peau, je t’ai arraché de mon cœur! Tu m’as dominé, mais je domine mon destin. Être où ne pas être amoureux de son destin, être amoureux de soi, aimer se haïr. Haïr d’être amoureux... et d’être malheureux.

Elle n’est pas là. Où est-elle? Elle qui n’a jamais raté leur rendez-vous. Où est-elle? La fille du train. L’histoire s’est donc arrêtée. Elle est partie! Que se passera t-il maintenant? Reviendra-t-elle? C’est trop . Elle ne peut plus revenir. Ce ne sera plus elle. La fille du train a disparu !

Je suis dans ses bras. Elle ne tient plus, elle veut m’embrasser. Nous n’avons plus que deux semaines à tenir pour avoir la réponse. Mais si cette réponse n’est pas bonne... Le dilemme. Encore là. Saleté! Je ne veux pas la voir mourir, mais nos désirs de s’embrasser sont trop forts. C’est trop dur! Elle veut m’aimer, m’aimer pour toujours, que notre baiser soit le seul témoin de notre amour. Qu’elle me quitte ! Arrachez-la moi ! Vous n’arriverez jamais à faire disparaître notre amour. Au-delà de la mort, nous sommes plus fort que vous. Prenez-moi mon malheur ! Vous ferez peut-être alors des heureux. Ignoble !
Elle tourne la tête vers moi. Je la regarde. Elle me regarde. Ses yeux sont emplis de larmes. Elle me dit qu’elle veut mourir. Elle me dit qu’elle va mourir parce qu’elle m’aime. Elle veut que je l’aime. Que notre amour persiste. Elle me redit qu’elle m’aime à en mourir, qu’elle en mourra.
Elle s’approche de moi. Ses douces lèvres se posent sur les miennes. Une détresse si belle, si pauvre, mais preuve d’un amour intangible. Nos bouches s’entremêlent dans une dernière mélopée d’amour, dans le requiem du désir de deux jeunes adolescents qui s’aiment au-delà de la mort. Nous nous embrassons. Personne ne pourra alors plus nous dire que nous ne nous aimons pas. Nous sommes liés par le temps et l’espace. Par la fatalité.
Je sens le goût de ses lèvres jusqu’au bout, jusqu’à ce que ses lèvres froides lâches les miennes. Jusqu’au moment où sa tête tombe en arrière. Où je la retiens. Où je la regarde dans les yeux. Pour la voir partir, définitivement. Pour nous. Graver dans mon âme les derniers instants de celle que j’aimerais toujours. Celle que j’ai aimée au-delà de la mort. Celle qui est morte dans mes bras. Elle, la seule que j’ai jamais aimée et que j’aimerais jamais

La jeune fille du train n’a sans doute jamais existé. Sans doute n’est-elle que le produit de mon imagination. Mais elle subsiste en moi, en tant que ma création. Ce serait trahir son ego que de prétendre qu’elle est une personne semblable à des dizaines d’autres dans ce train. Elle est ma muse, mon inspiration. Je l’adore, mais ne l’aime pas. Je ne veux pas connaître sa personnalité, son regard me suffit. Elle n’a pas influencé mes choix sentimentaux, elle m’a seulement permis d’y voir plus clair. Et c’est déjà beaucoup…

Cette image n’aurait jamais dû existée. L’image d’un jeune homme de 16 ans qui porte dans ses bras la jeune fille de 15 ans qu’il a tuée. Celle qui lui avait dit qu’elle voulait mourir pour lui, pour eux. La fille innocente. La fille qu’il a aimé à l’en tuer. L’image de ce jeune garçon, et de cette jeune fille, morte d’amour.
Jeu 15 Juin 2006, 10:36 par Neus sur Histoires d'amour

Mont des brumes (4)

Un paysage urbain que l’on devine dans la brume du matin. Au loin le bruit des bateliers. Il fait un froid humide, le soleil est loin de la ville, il ne peut percer la moiteur feutrée que l’on sent peser sur la citée... Dès l’aube, les bruits des voitures à chevaux se succèdent et envahissent la scène, se répercutent sur les immeubles à quatre étages, jusqu’au chapeau pointu de la dame de fer, immobile... Les volets de la chambre sont restés ouverts, la fenêtre aussi. Les rideaux volent et retombent sous le souffle léger du vent... La chambre est baignée d’une lumière nacrée. Le lit se prolonge doucement sur le sol recouvert des draps tendres et autre duvet... Elle dort. Sur le ventre. Il la regarde. Il parcourt ses courbes, il la sent abandonnée. Dans son sommeil, elle soupire. Il sourit. [...]

- « Ainsi, votre noble ami me soumet une énigme ? Cela tombe bien, j’adore jouer. » Il lui avait tendu le billet et elle avait usé de tout son temps pour en prendre connaissance : « Je me fie à ton talent d’expert pour identifier la paternité de cette œuvre... Merci de remettre au jeune homme qui t’apporte la toile la réponse. Bien à toi, Jean-François ».
Il l’avait suivie jusqu’à son atelier dont le désordre ne parvenait pas à occulter la divine lumière qu’il recevait... Frédéric en était resté bouche bée. Il se reprit en se disant qu’elle finirait par le prendre pour un sot s’il ne cessait de garder la bouche ouverte. Elle était surprenante. Fine certes, mais qui ne s’encombrait pas de manière pour dire son fait au gens et aux choses. Il la sentait entière, volontaire et passionnée. Discrètement, alors qu’elle usait de son œil comme d’un scalpel avec la toile, il la regardait avec une plus ample liberté. Oui, elle le surprenait, avec ses cheveux roux ramenés en grosses boucles à l’arrière du crâne. La tendresse de ses formes presque fragiles. Son air d’autorité et une sensibilité à fleur de peau qui faisait contraste avec un dynamisme félin... Et avec tout ça un rien sensuelle, un zeste de provocation qui lui aiguisait les nerfs. Quel drôle d’oiseau, se disait-il.
- « J’ai hésité, dit-elle enfin... Il y a bien des peintres qui envieraient le père d’un tel chef-d’œuvre, car assurément, on parlera de cette toile. Néanmoins... La technique, les couleurs, le geste, tout me fait penser à un Millet, un Millet si j’ose dire, plus Millet que Millet, car enfin, il y a bien un petit quelque chose dans cette toile d’indéfinissable. Oui, l’âme de ce tableau semble autre. Or, je ne vois pas d’autre peintre capable d’un tel génie ».
- « Votre verdict ? »
- « Oh, oh ? Un verdict ? Y aurait-il un coupable ? Monsieur, vous m’effrayez ! ! ! Et bien, soit, s’il vous faut un nom, ce sera, en désespoir de cause, Millet. Vous pouvez transmettre, Monsieur, ma réponse à qui la demande... Hélas, vous pouvez reprendre cette merveille, cependant, si son auteur était présent je saurais bien le contraindre à me la laisser quelques jours. »
- « Oseriez-vous user de la force ? , demanda avec amusement Frédéric.
- « Qui sait ? », soupira-t-elle, « Il émane une telle grâce de cette toile, une telle beauté, une délicatesse si rare chez un homme que l’on ne saurait y demeurer insensible... Oui, voilà qui me surprend fort de Jean-François. Il peint avec son sang, avec ses émotions mais pas avec une telle âme... Enfin... , se reprit-elle, j’avoue que je ne l’en aurais pas cru capable. Ne lui en dites rien n’est-ce pas ? Ainsi cette toile est bien de lui ? Votre silence semble le confirmer. Vous lui en ferez mes compliments» [...]
Il était revenu chercher la toile quelques jours plus . Il s’était bien gardé de tout commentaire lorsqu’il avait donné à Millet la réponse tant attendue. Ainsi, il avait en moins de trois heures réalisé un chef d’oeuvre que tous attribueraient à son ami. Il avait réussi son pari. Chacun des protagonistes avait juré de garder le secret. En sonnant à la porte de l’oiselle - comme il l’appelait -, il sentit un trouble, une sorte de rougeur s’emparer de lui. Allons, donc, voilà qu’en revenant ici je redeviens idiot, songea-t-il...
Mar 30 Mai 2006, 13:09 par dolce vita sur Histoires d'amour

Mont des brumes (2)

Un paysage que l’on devine dans la brume du matin. Il fait un froid humide, le soleil est loin de la ville, il ne peut percer la moiteur feutrée que l’on sent peser sur la citée... Dès l’aube, les bruits des voitures à chevaux se succèdent et envahissent la scène, se répercutent sur les immeubles, jusqu’au chapeau pointu de la dame de fer, immobile... Un homme, jeune, passe en chantant, sa voix forte est assurée. Son visage d’une joie réjouie qui se communique aux éboueurs et autres palefreniers qu’il rencontre. Il salue courtoisement les dames. Sur son dos un sac lourd, semble-t-il, mais qui à priori ne pese pas sur les robustes épaules ; de même au côté, porté sous le bras un paquet enveloppé de papier brun. Il est passé par le mont mais n’a pas dépassé le Chat Noir, enfin je ne sais plus, juste jeté un coup d’œil furtif ce me semble vers l’esplanade, trop occupé pour faire le détour. Plus ... Machinalement, il serre plus fort son paquet. Il hâte le pas tandis que Notre Dame sonne Prime. C’est le printemps. Dans le cœur de Frédéric aussi. Il revient de Barbizon, où Camille l’a présenté à Millet et à Claude. C’est sous leur inspiration qu’il a peint. Un pari fou. Oui, oui, les paysans au champs... Un Millet plus Millet que Millet... Et ça a marché. Il faut dire qu’ils avaient drôlement bu. D’où est venu la gageure ? Il ne savait plus bien comment le ton avait monté mais il avait fini par dire que de rendre de l’impression lui il ferait ça en trois heures s’il voulait. « Pari tenu, il est fou, mais qu’il essaye seulement ». Oui, ils avaient vraiment bu. Mais même sous l’emprise de l’alcool, la technique du « jeune » était encore parfaite. Cela avait dessoûlé Jean-François qui n’arrêtait pas de répéter « c’est pas possible, on dirait que c’est moi qui l’ai peint »... Oui, c’était possible et la preuve il l’avait Frédéric, là, sous son bras. Maintenant, il devait aller sonner à cette maison de maître et donner à l’intention de la maîtresse des lieux le billet de Millet et « sa » toile. Et puis, attendre. Malgré l’heure matinale et sa tenue bohème, il fallait qu’il aille jusqu’au bout de ce pari stupide. Il n’allait pas reculer maintenant...
Lun 29 Mai 2006, 20:21 par dolce vita sur Histoires d'amour

Histoire d'anges...

2 anges voyageurs s’arrêtèrent pour passer la nuit chez une famille riche.

La famille était dure et refusa aux visiteurs de coucher dans la chambre d’amis; les anges se virent offrir un petit espace au sous-sol humide. Comme ils préparaient leur lit sur le sol en béton l’ange le plus âgé vit un trou dans le mur et le répara. Quand le plus jeune ange lui demanda pourquoi il répondit que les apparences sont souvent trompeuses.

La nuit suivante les anges demeurèrent chez un couple de fermiers très pauvres mais très hospitaliers. Près avoir partagé le peu de nourriture qu’ils avaient le couple les autorisa à coucher dans leur lit pour qu’ils puissent avoir une nuit reposante. Au lever du soleil le lendemain les anges trouvèrent le fermier et son épouse en larmes. Leur seule vache dont le lait était leur seul revenu était morte dans le champ.

Le jeune ange était furieux et il demanda au vieil ange pourquoi il avait permis celà : le premier homme avait été odieux et tu l’as aidé. La deuxième famille avait peu et avait partagé et tu as laissé mourir leur vache.

Les apparences sont trompeuses lui répliqua le plus âgé.

Quand nous avons couché chez le premier j’ai remarqué qu’il y avait de l’or dans le trou du mur. J’ai scellé le mur pour qu’il ne puisse trouver le trésor

Puis hier quand nous dormions dans le lit du fermier l’ange de la mort est venu pour sa femme. J’ai préféré lui laisser la vache.

Les apparences sont souvent trompeuses, parfois c’est ce qui arrive quand les choses ne se produisent pas comme elles le devraient; si tu as la foi tu n’auras qu’à faire confiance et la solution sera à ton avantage. Tu ne l’apprendras que plus .

Des personnes ne font que passer dans ta vie. D’autres, par contre deviennent des amis et laissent de belles images dans nos coeurs et nous ne sommes plus jamais les mêmes parce que nous nous sommes fait un bon ami.

Hier est l’histoire, demain le mystère

Aujourd’hui est le cadeau c’est pourquoi on l’appelle le présent. La vie est spéciale. Vit et savoure chaque instant..."

Auteur inconnu.

Un tout petit cadeau que je tenais à partager avec chaque âme tendre...
Dim 21 Mai 2006, 18:49 par dolce vita sur Mille choses

Grandeur et petitesse

Pourquoi mentir ? Souvent je me rends compte que l’autre se croit obligé de mentir et cela je ne le supporte pas. Voilà ma limite (enfin, une de plus). Au lieu de dire les choses comme elles sont, voilà qu’on feint, on prend des prétextes, on s’emmêle dans des mensonges qui tôt ou se dévoilent... Quelle tristesse ! Et moi, je prends la fuite ! ! ! Et qui prétend-on protéger ? L’autre ? Ou soi-même ? Quand on ne sait pas exprimer ses désirs, ses limites, ses craintes aussi... Le mensonge vient dare-dare s’écraser dans la bouche de sa victime... Paf ! Et on s’embourbe et on s’emmêle et en prime, on se sent petit, miteux et coupable et on en veut à l’autre de nous amener à ce genre de compromis vaseux... Ah ! Mais avoir le cran de dire : « stop », de savoir exprimer ses désirs et ses craintes sans détour, enfin, de savoir laisser parler son âme ! Voilà un homme ! Celui qui ose se montrer tel qu’il est ! Voilà l’humilité ! Et voilà la grandeur ! Poser à bas les masques de convenance et se montrer soi sans centimètres en plus ni centimètres en moins, tel que l’on est. Et quel bonheur : car si tel que vous êtes vous êtes aimé, vous avez tout gagné en vous gagnant vous-même...
Ven 05 Mai 2006, 10:01 par dolce vita sur L'amour en vrac

2 ème épisode de : l'Amour tarifé...

« Maguy, par opportunité… »

Convoqué un premier avril, drôle de farce, j’ai été appelé pour service militaire obligatoire d’un an à la base aérienne d’Oran – La Sénia. L’aviation m’a récupéré parce que j’avais commencé la préparation militaire parachutiste, mais au moment des sauts, Maman très malade, n’avait pas voulu signer. Pour ne pas la faire souffrir encore plus, je n’avais pas insisté…
J’avais été nommé en début d’année, contrôleur des transmissions avec effet rétroactif. J’ai encaissé une belle somme juste avant mon départ, et j’ai emporté cinq mille fr ( à peu prés l’équivalent de nos euros actuels ) avec moi : Une fortune pour un ‘bidasse’…
Nous étions astreints à l’horaire d’été : lever à cinq heures trente. Exercices jusqu’à treize heures. Déjeuner puis sieste obligatoire, et… plus rien, sinon, soupe, appel du soir et extinction des feux ! Et interdiction de sortir pour les ‘bleus’, cela va sans dire…
Relations humaines difficiles entre ces trente ‘clampins’ , réunis en deux rangées de 15 lits dans une chambrée. Elles étaient nulles durant les évolutions en extérieurs aux ordres d’un Sergent et d’un caporal instructeurs, tous deux mécaniciens air, engagés.
Mais ces après midi d’ennui m’ont vite rapproché de ceux qui sont devenus très vite de vrais amis. D’abord Antoine L… Un Oranais, grand, costaud, cheveux noirs frisés et moustache à la Clark Gable… Dans le civil il avait été forgeron dans son village avant de quitter sa famille à dix huit ans et de venir à Oran où il avait essayé 12 métiers et vécu 13misères ! Cela l’avait mûri. C’était un calme qu’il ne fallait pas chatouiller et qui comme moi se demandait ce qu’on faisait avec ces ‘gamins’…
Puis Gilbert S… Un Algérois, grand mais très mince quoique bien bâti. Noir de poils et de peau, visage quelconque mais des yeux vifs et un sourire franc et éclatant. Fils d’un entrepreneur de ferronnerie, on sentait que lui, n’avait jamais manqué de rien. Après trois ans d’école technique il avait rejoint l’entreprise familiale. Antoine fut de suite Tonio, Gilbert Gil ou Gigi… Et moi ‘Djouane’ !
Au lieu de faire cette sieste ‘obligatoire’, dés que nous avons touché les tenues de sortie, nous avons utilisé le mur pour passer sur la base, côté pistes et hangars. De là, petite marche jusqu’au village de la Sénia. Au ‘bistrot’ un café noir ‘à l’eau douce’ ( Le préciser, car les oranais le buvaient fait avec l’eau saumâtre qui coulait des fontaines ) Un bus civil un peu plus , direction Oran où l’on s’est balladé d’abord en ville que Tonio connaissait comme sa poche ; mais on s’y est vite ennuyés. Ensuite, ce fut les plages et la baignade, car en cette fin avril, l’eau était à 20 ° au moins !
Trois jeunes aviateurs bien bâtis, à « Moulin bleu » une de ces plages magnifiques qui jouxtent la ville. Nous y avons été remarqués, puis ‘dragués’ gentiment par un groupe de petites Nénettes qui séchaient les cours pour la plage, elles aussi. Jeux de ballons, jeux de mains, jeux de vilains ? Pas pour moi, cette fois ! Copain seulement avec une petite Denise qui m’a fait de vraies avances…. C’était des chics filles : on ne leur aurait pas manqué de respect pour tout l’or du monde, et encore moins essayé de leur ravir ce ‘petit capital’ qui comptait tellement pour elles à l’époque !
Mais ces ‘fleurts’ plus ou moins poussés, ça ne faisait pas l’affaire « des ‘amygdales’ du ‘bas’ ventre » comme disait Tonio ! Et il nous a parlé de « la villa des roses » une maison de rendez-vous à Ekmul sur les hauteurs d’Oran :
-C’est pas des vraies ‘putes’. Des ‘bonnes’ femmes divorcées ou même mariées qui viennent arrondir leur fin de mois…
Et il a précisé :
-Moi, y a ma copine Lulu. Je la connaissais d’ailleurs quand elle était mariée…
Elle avait divorcé depuis…et qu’il la voyait souvent à cette villa des roses, avant d’être mobilisé, en ajoutant :
-Sans payer, moi ! Elle s’arrange avec la patronne qui est une dame très chic et bien sympa. J’y ai mes entrées…
- Eh ! il est un peu ‘mac’ (souteneur ! ) le Tonio, ais-je pensé, sans imaginer la suite !
Pour pouvoir nous y rendre en soirée, on s’est ‘arrangé’ avec trois autres de la troisième chambrée. Un soir sur deux, dés que l’appel était passé dans notre chambre, pendant que le sous off de service passait à la chambre suivante, nous par la fenêtre du fond, on rejoignait la troisième chambrée et occupions leur lit. Le soir suivant c’était l’inverse. Et ça marchait !!
Ainsi nous avons pu aller à cette villa des roses, la fameuse maison de rendez-vous.
Encore une fois, j’étais curieux et assez dubitatif malgré tout ce qu’en disait Tonio… Il nous en avait tellement parlé que le processus ne m’a pas étonné. Petit salon-bar désert à cette heure où les maris sont encore chez eux ? L’hôtesse, une dame de cinquante ans au moins, était encore très appétissante, ais-je jugé avec mes vingt ans ! Rien de vulgaire dans ses attitudes ou sa voix…
La petite Lulu, de Tonio, une jolie brunette d’une trentaine d’années est arrivée dare-dare. Après les présentations elle s’est assise à notre table et a pris comme nous… une menthe à l’eau. Puis les deux se sont éclipsés en riant. Gil et moi, nous savions qu’à droite, sur le mur, la grande glace était sans tain et que les ‘dames’ pouvaient nous voir, évitant ainsi de rencontrer des personnes connues.
Sur le mur de gauche, à l’inverse, une grande glace, sans tain aussi. Mais à l’inverse, car dés qu’éclairé le salon d’à côté nous est apparu avec son grand canapé qui nous faisait face. Trois dames en déshabillé rose, tout comme Lulu, sont venues s’y installer. Je n’ai eu d’yeux que pour la blonde… Une belle femme, la trentaine ( 28, su après ) bien bâtie, pas mal dodue, et de ce fait, un visage lisse aux traits réguliers, des yeux bleus foncés, une belle chevelure dorée… Avant que Gil me brûle la politesse, je me suis levé, doigt pointé vers elle !
La ‘taulière’, pas madame Claude, mais madame Emma, a souri en me disant :
-C’est Maguy, vous allez pouvoir la rejoindre directement à sa chambre …
Je savais par Tonio qu’il fallait poser sur le comptoir cinq billets de cent francs. Je me rappelle que je trouvais cette somme exorbitante et je m’étais dit :
-Une fois passe, mais je ne vais pas gaspiller tout mon ‘fric’ comme çà !
Gil a désigné une autre des dames que je n’avais même pas remarquée. Billets posés, l’hôtesse nous a guidé vers le couloir ou la domestique ( jupe noire, chemisier blanc, très stylée ) nous a emmenés au premier. Et Maguy vue de prés, encore plus belle avec son sourire éblouissant m’a accueilli par :
-Ah ! voilà mon bel aviateur… je suis heureuse de t’avoir plu, tu sais ?
Tonio m’avait dit, qu’à peine entré, ‘elles’ nous demandaient leur « petit cadeau »…
-Tu lui donnes au moins deux cent francs si tu veux le grand jeu et qu’elle prenne son temps sans te presser…
A mon étonnement, elle ne m’a dit que :
-Mets toi à l’aise. Déshabilles toi dans la salle de bains, fais ta petite ‘toilette’ et viens me rejoindre, on fera connaissance au lit…
Rien à voir avec le rituel dont on m’avait rabattu les oreilles pour ce qui concernait les « bordels »…
Pudeur instinctive, j’ai remis mon slip. Elle avait entrouvert son déshabillé… j’ai vu ses gros lutteurs à bout très clair, le ventre un peu bombé, la jolie peau, et j’ai senti l’odeur discrète de son parfum : Mon érection a été immédiate !!
Aussi, nous avons vite fait une connaissance assez poussée, et pas avec beaucoup de paroles… Caresses, mains actives, la bouche aussi, j’ai pensé qu’avec une amante ça se serait passé pareillement ! Assez rapidement, elle m’a dit :
-Je sens que tu en as très envie… Après tu seras plus calme et on prendra notre temps …
De fait je l’ai pénétrée et besognée avec un plaisir qui a vite été aussi grandissant qu’égoïste… Ne m’occupant que de moi, il ne s’était pas écoulé un quart d’heure depuis mon entrée dans la chambre quand j’ai éructé en éjaculant !
Ce qui l’a fait s’esclaffer et dire :
-Il s’est régalé ( !) le petit chéri…il en avait besoin ce jeune homme… On va prendre la douche ( Il n’y avait pas de clim à l’époque et j’avais transpiré ! ) après on pourra parler un peu avant de recommencer la danse, si tu veux ? Je m’occuperais de toi, cette fois ci…
La douche à deux ! C’était une belle femme, une vraie blonde car son pubis doré avait déjà attiré mon œil, un peu avant. Nous nous sommes savonné mutuellement : Un jeu que je connaissais bien et j’ai vraiment oublié que nous étions en amour tarifié…
A nouveau très excité, elle m’a dit en riant :
-Viens ! Le ‘jeu’ est meilleur dans le lit…cela m’a rappelé la réplique de la « Grosse Margot » du Sire François Villon…
Et nous y sommes retournés, au lit… Elle a pris les initiatives, m’a caressé et embrassé en véritable experte ! J’ai toutefois, à mon habitude, arrêté ce qui devenait une fellation, et elle m’a dit, je me souviens :
-Tu aimes mieux ‘tringler’, toi ? mais attends, moi aussi, à l’envers, tu vas voir…
J’ai compris ! Et de fait c’était une excellente cavalière ; mais à sa surprise, là j’ai résisté à la montée de la jouissance et c’est elle qui s’est « prise au jeu » comme elle m’a dit ensuite. Il y a eu une autre suite, pour moi à nouveau, quand je l’ai ‘retournée’ comme une crêpe…avec des petits cris et des petits rires !
Cette fois nous sommes restés enlacés ( emboîtés on peut dire ! ) et nous avons enfin parlé…

J’ai entendu les histoires racontées par les autres, Lulu, Lydie… mais je m’en tiens à celle de Maguy qui dés ce premier soir m’en a raconté un bout, en ajoutant à chaque fois, jusqu’à ce que finalement je connaisse toute sa vie passée !

En réalité elle s’appelait Paule D…, originaire du sud ouest. Un village des Landes dont je ne retrouve plus le nom. Père artisan boulanger, mère au comptoir. Le brevet élémentaire passé, elle avait ajouté une année d’école Pigier : sténo et comptabilité. Des cours à Mimizan
Où elle allait en car. Mais servant dans la boulangerie familiale dés qu’ayant un instant de liberté, elle s’était résignée à cet emploi…
……………………………………………………………………………………………….

J’abrège, car on n’en sortirait plus, tellement il me revient tout ce qu’elle m’a raconté sur sa vie…
Son mari officier pilote, avait été affecté à l’escadrille de chasse de la Sénia prés d’Oran. Voilà comment elle s’était retrouvée dans cette ville. Je la cite :
-Armand depuis qu’il était lieutenant n’était plus le même. Notre ménage a ‘battu de l’aile’
[ C’est le cas de le dire pour un pilote ? ]
Quand il a été muté en Allemagne. Je n’ai pas voulu suivre et nous avons convenu de divorcer. J’avais déjà un ‘ami’, mais quand il s’est rendu compte que je redevenais libre, il s’est défilé… C’est par une ‘Copine’ la femme d’un capitaine qui venait arrondir ses fins de mois pour se payer des extra, elle, que j’ai connu l’existence de la villa des roses. Je n’avais pas envie de retourner dans ma famille, et pas de métier. Ce que nous avons fait comme ambulancières militaires ne m’ouvre qu’aide infirmière et pas une grosse paye. Comme ça, j’ai la pension payée par mon ex, capitaine maintenant qui a déjà refait sa vie. Et sur ce que je gagne ici, rien à déclarer …
*

J’en reviens à cette première soirée à Ekmull. Un peu avant 22 h, la chère Maguy m’a dit :
-Tu m’as fait passer un bon moment. Ce qui m’attend me paraîtra encore moins drôle que d’habitude… Tu reviendras bientôt ?
Mon « oui » n’était pas très convaincu. Je me disais : dommage mais trop cher…
Elle m’a accompagné au rez de chaussée, et m’a quittée de l’autre côté du couloir devant une petite pièce qui donnait sur l’arrière de la villa. J’y ai retrouvé mes deux compères… en pleine mastication ! Il y avait un comptoir, et derrière officiait l’employée qui nous avait piloté vers les chambres
[ Une petite ‘grosse’ au visage ingrat : un air de deux airs qui ne lui permettait pas de faire partie de ces ‘Dames’ ! ]
Mes copains étaient hilares et devant un verre de mascara ( rouge, genre Bordeaux titrant 14° au moins ) ils dégustaient ce qu’on appelle en Espagne des tapas, et là bas, des Kémias
( mot dérivé de l’arabe dialectal : petite quantité )

Nous n’avions pas soupé, c’est vrai. J’ai préféré une orangeade mais quel régal ces petits pâtés, toasts à la ‘soubressade’ ( chorizo ) sardines grillées, petits calmars en sauce piquante… etc…
A la fin, j’ai cru bon de demander combien l’on devait :
-Non, non, c’est madame Emma qui m’a dit de vous servir tout çà…

Nous avons quitté les lieux. Il était plus de vingt deux heures trente. Nous savions que le dernier car pour la Sénia était parti depuis longtemps… Tonio nous a dit :
-D’en ville c’est 11 km à pied… mais en partant d’ici on coupe par ‘le village nègre’ et on contournera la ‘chebka’ ( grand lac salé bordé de berges plates, rocailleuses, sans végétation ) : 6 km au plus !

La pleine lune éclairait l’étendue pierreuse à reflets blanchis par le sel. Au loin, de l’autre côté on voyait la mer : impossible de se tromper ! Durant cette traversée, mes souvenirs de lecture des « carnets de René Mouchotte » me sont revenus… Il s’était envolé de la Sénia en 1940 dans un Goéland, avion bimoteur dans des conditions rocambolesques. Sans faire chauffer les moteurs et avec une hélice bloquée au petit pas, cette ‘chebka’ sur laquelle l’avion avait rebondi plusieurs fois, avait failli être son linceul trois ans avant la Manche où ce héros qui commandait une escadrille de chasse française dans la RAF s’y engloutisse…

Nous avons fini par atteindre le remblai de la voie de chemin de fer. De l’autre côté, c’était la route de la Sénia et encore un dernier kilomètre, s’introduire en douce sur la base et rentrer par mur habituel ! Il était 1 h du matin, le réveil se faisait à cinq heures trente, et la sortie de la chambrée pour le ‘dérouillage’ immédiate… Quelle forme ce matin là !

L’après midi la sieste fut réparatrice…surtout que le lendemain matin était prévu le challenge du nombre pour le C. I. (centre d’instruction ) des courses, des sauts et des lancers de poids !
Après la sieste, petite marche sous les arbres car l’ambiance enfumée et bruyante du foyer de la troupe ne nous convenait pas. Nous avons pu enfin nous faire part de nos satisfactions réciproques des deux bonnes heures passées la veille…. Sans trop de détails, par pudeur et respect aussi pour celles que nous jugions déjà de « Chics filles… »
-Rien à voir avec les ‘putes’ de bordel, avait conclu Gil.
Mais lui et moi, trouvant que c’était trop cher nous n’avions pas l’intention d’y retourner.

Tonio, lui, avait le numéro de téléphone de sa Lulu. Il est allé l’appeler chez elle depuis la cabine du foyer. Et elle lui a dit :
-Dis moi quand vous revenez ? mais directement, et nous ( les filles ) on viendra plus tôt à la ‘barraque’ (sic) …
Il ne la rejoignait jamais chez elle où il y avait une dame qui lui gardait son fils
Et quand il l’a rappelée, c’est là que ça s’est corsé. Il lui a fait part de notre réticence pour cause de solde d’appelés à y retourner… mais elle :
-Dis leur que les ‘copines’ ( Lydie et Maguy ) m’ont dit qu’elles veulent qu’ils reviennent sans s’occuper de la ‘mère’ Emma qui est au courant et le leur retiendra sur leur solde, t’en fais pas !

Grosses discussions, je me rappelle. Gil et moi nous étions décontenancés : pourquoi cette offre ? Elles n’en avaient pas assez de faire ‘l’amour’ avec leurs ‘clients’ ?
-çà les amuse de ‘jouer’ un peu avec des jeunes ‘bidasses’ ! C’était l’opinion de Tonio qui avait ajouté :
-D’après Lulu, les deux lui ont dit qu’elles avaient passé un bon moment avec « ces jeunes, sains et pas vicieux ( ? ) » et qu’elles voulaient les revoir…Et puis, on leur a parlé de la plage, alors elles veulent nous proposer de les accompagner de temps en temps l’après midi à ‘Paradis Plage’ dans un établissement avec sa plage privée, et avec nous, elles seront sûres de ne pas être emmerdées si des vieux ‘cons’ les reconnaissent…

Nous étions en début du mois de mai. Il faisait déjà très chaud mais les plages étaient formidables et la mer rafraîchissante… C’est ce qui nous a décidés !
Tonio a rappelé Lulu chez elle. Le week end, ça ne leur était pas possible, mais ils ont convenu du lundi où on se retrouverait directement à la plage…
Gil et moi, cela nous enlevait l’impression pénible d’être les profiteurs, pire, les ‘souteneurs’ de ces dames, puisqu’on sortirait avec elles comme gardes du corps, et que somme toute on leur rendrait service !

Nous avons fait des ‘infidélités’ à nos petites copines de Moulin bleu qui ont du se demander où nous étions passés. Nous retrouvions vers quinze heures nos ‘amies’ au « Paradis-plage » le bien nommé établissement d’Aïn el Turc. Elles étaient déjà à nous attendre sous leurs deux parasols. Lulu et Maguy, toujours là. Lydie pas chaque fois because occupations familiales…
Maguy nageait très bien mais elle était ‘flemmarde’ et quelques fois je la laissais rentrer au bord et se vautrer sur sa serviette pendant que j’allais nager au large… Au retour elle ‘piaillait’ que « je la laissai tomber … » mais avec des rires et une gentillesse totale qui me touchait !

Et vers dix sept heures nous repartions directement à la villa des roses, en 11chv citroën ; c’était la voiture de madame Emma que Maguy, ancienne ambulancière pilotait avec maestria. D’ailleurs deux ou trois fois, je ne sais plus, la dite dame Emma a été du voyage, se contentant d’un moment de détente, restant habillée sous son parasol. A l’arrivée par la ruelle arrière, garage, puis la montée vers les chambres…

Sur injonctions de la patronne, nous redescendions un peu avant vingt heures dans la petite pièce du bas. Nous soupions copieusement. Des trois, seule Lydie fumait et comme Gil, sportif était réticent à l’odeur du tabac, je ne l’ai jamais vue allumer une cigarette en notre présence ! Elles ne buvaient pas d’alcool non plus, disant « on sera obligées de le faire plus ! » Et avant vingt et une heures, nous repartions, souvent avec des tranches de rôti froid pour nos lendemains à la caserne…

Nous savions qu’il y avait un dernier car militaire qui partait de la place centrale d’Oran pour ramener les permissionnaires. Et les ‘anciens’ nous y ont toujours accueillis parmi eux sans faire de commentaires… Ainsi à vint trois heures au plus, nous étions au lit, ce qui nous donnait six heures de sommeil, c’était déjà mieux !

Maguy quand je l’évoque, c’était pour moi une amoureuse lascive, un peu flemmarde ce qui l’avait conduit là, mais d’une gentillesse à toute épreuve. Sa conversation était intéressante, car elle était cultivée. Cela me faisait oublier que sortie de mes bras, elle en accepterait d’autres… Dans nos baisers échangés, je n’avais plus l’ombre du souvenir de ce que faisait cette bouche, hors moi ! C’était des plaisirs partagés, diversifiés, entrecoupés de longues discussions chuchotées avec parfois des rires et parfois des pleurs à l’évocation de notre vécu précédent… Elle n’avait pas toujours été à la fête, elle non plus !

Fin mai, Tonio, Oranais, a été muté aux ateliers mécaniques de la base. Gil et moi, direction la 5ème région aérienne à Alger pour y recevoir une affectation. Pour revenir, croyons nous, à la Sénia pour le peloton d’élèves gradés. Gil s’y était inscrit aussi. Aussi nos adieux ne furent pas déchirants (sic)… quelques larmes de Maguy et quelques mots : « A bientôt ! écris moi vite…»
Chez Madame Emma R… à la villa des Roses, évidemment !


Fin du deuxième épisode

Jan mouah
Mer 15 Mars 2006, 11:57 par jan goure sur Les liaisons sulfureuses

Vivre au jour le jour

Vivre au jour le jour

C’est fou comme le temps ça passe vite parfois
On croit qu’on a tout l’avenir devant nous
Que pour l’instant on ne peut que rêver au futur
Puis tout d’un coup
Comme une bulle de savon qu’un enfant éclate de son doigt
On se rend compte que l’enfance finit aussi rapidement que cela
On se sent désemparé
Nos plans si complets que l’on avait conçu
Semblent soudain si flous
Que faire, on se sent si vieux
Sans vie
Comme une feuille morte balayée par le vent
La vie nous entraîne
C’est soudain si dur
Rien n’est comme on l’imaginait
Et on se remémore les souvenirs d’enfances
Avec une nostalgie si profonde que l’on se demande
Si finalement la vie
Commençait réellement où on pensait
Peut-être que le bonheur est encore plus loin ?
Non on se trompe et chaque fois c’est plus dur de l’avouer
Chaque fois les doux souvenirs nous viennent
Comme une douce couverture
Usée par le temps
Alors chaque fois c’est la même chose
Vivre le présent c’est si dur
Car personne n’a l’impression d’être heureux sur le moment
C’est plus qu’on se rend compte
À quel point nous étions biens
Vivre le présent, je crois
c’est plus important que de penser au futur
J’ai raison n’est-ce pas
Pourquoi pas ?
Lun 13 Fév 2006, 22:34 par rally sur Mille choses

Volare... 2

Elle s’était décidée à retourner vers la petite crique. L’hiver s’était installé et il ne voulait pas quitter la place. Le mistral soufflait dans un rire étourdissant. Elle tenait ses cheveux à deux mains pour qu’ils ne retombent pas en pluie sur son visage, l’empêchant d’y voir clair. Les escaliers abruptes et disjoints pouvaient se révéler dangereux si l’on n’y prêtait pas attention : et puis, ce vent qui poussait dans le dos, comme pour l’encourager à descendre plus vite : « va, va », soufflait-il au creux de son oreille, « zou, zou »! ! ! Pour sûr, il était bien du midi ce drôle de mistral qui chantait le patois de Provence ! Elle descendait d’un pas régulier, trop absorbée par sa progression pour répondre aux yeux qui fixaient l’intruse. Lorsqu’elle Le vit, il était trop . Trop pour faire demi tour. « Shout » songea-t-elle, la plage, la mer, le vent, elle les voulait pour elle seule. Elle avait envie de tremper ses pieds dans l’eau, sans témoin, s’étendre sur le sable et le laisser grain par grain l’embrasser de ses mille bouches éphémères, sans témoin... Elle voulait plonger ses doigts dans la crinière blonde de la plage... Mais il était là. Visiblement, il n’était pas plus heureux qu’ils soient mis en présence l’un de l’autre et la regardait sans aménité. Tous deux se jetèrent des regards courroucés. Lui, d’enfant jaloux, elle, de chat sauvage... Elle avait fait des kms pour se retrouver là sur cette plage, « sa » plage, et ce n’était pas un inconnu qui allait l’en chasser... Elle se dit qu’il finirait bien par en avoir marre et partirait. Elle prit son mal en patience et alla s’étendre sur le sable bien décidée à faire abstraction de cette présence et du regard importun. Mais elle ne le pouvait pas, il lui semblait entendre jusqu’à sa respiration qui se fondait dans le mouvement régulier des vagues. Dans le souffle chaud qui caressait sa nuque. Rêvait-elle ? Elle fut prise de vertige et ferma les yeux... Elle le vit avec ses cheveux en bataille, ses yeux de pluie et le pull col roulé qui épousait son torse. Elle revit ses sourcils qui se rejoignaient sous l’effet de la colère... Elle sentit malgré elle une irrépressible envie de rire ; ils étaient aussi stupides l’un que l’autre ou aussi sentimental ou... Elle entrouvrit les yeux. Une silhouette faisait écran entre le soleil timide encore et sa pupille. Il était à 1 mètre d’elle et il la regardait comme un entomologiste à l’étude. Rien en lui n’était hostile, elle ne ressentit pas d’appréhension ; au contraire, il lui semblait qu’il faisait partie de la plage et comme elle, il ne pouvait pas lui faire de mal, du reste ses yeux ne révélaient plus que la surprise.
« Qui es-tu ? On ne voit guère de monde sur cette plage et surtout pas en cette saison. Je ne te connais pas. Tu es d’ici ? ». « Oui et non », répondit-elle, "elle n’avait rien à lui dire après tout. Il sourit comme s’il s’attendait à la réponse qu’elle venait de faire et qu’il n’en demandait pas plus. « Je m’appelle... » dirent-ils ensemble dans un accord si parfait qu’ils se mirent à rire. Décidément ! Seuls deux fous pouvaient se retrouver en plein hiver alors que le vent vous lance au visage de pleines poignées de sable et se mettre à rire avec le premier inconnu venu (nul doute qu’en pleine ville cela ne serait pas arrivé) ! Ils se regardèrent comme s’ils cherchaient en l’autre un indice, une clef. Ils ne parlèrent plus. Il s’assit à côté d’elle et ils contemplèrent la mer longuement, en silence. Ensemble, ils firent des châteaux de sable, ensemble, ils se jetèrent des poignées d’eau glacée comme des enfants espiègles avant qu’elle ne se mette à trembler de froid... Délicatement, il l’enveloppa du pull chiné qu’il portait à la taille. Et il mit ses mains sur ses épaules. « Je t’attendais », dit-il...
Jeu 09 Fév 2006, 21:35 par dolce vita sur Histoires d'amour

Neige..

La neige a tout recouvert. Les voitures avançaient doucement et cela me rappelle aux souvenirs d’autrefois. Nous étions étudiants. A cette époque, mes cheveux plutôt longs étaient parfois retenus au dessus de la nuque par un crayon ou par des tresses que je nouais à l’envie... Ce soir là, nous devions dîner ensemble et j’entendais parfois le bruit d’une voiture qui klaxonnait désespérément dans le lointain. Une ambulance, à deux pas ; mon cœur se mit à battre, tu étais tellement en re, je me suis inquiétée. Il y avait tant et tant de voitures que j’avais vu déraper de façon burlesque et se percuter comme des dominos maladroits. J’ai vite domestiqué mes cheveux, mis un bonnet ocre sur la tête, enfilé mon blouson, une écharpe assortie et descendis les escaliers de la citée U quatre à quatre ; c’est alors que je me trouvai nez à nez avec lui. Il portait je ne sais plus quelles victuailles de l’air ravi du chasseur qui revient triomphant de sa battue, levant haut vers le ciel son trophée. Il souriait. Nous avons dîné dans ma chambre, sur mon lit, c’était une vraie dînette ! Et puis, dans la nuit éclairée par les cristaux de givre et la neige scintillante du chatoiement des étoiles, nous nous rendîmes dans le jardin public. Sur le sol, je me mis à graver des sculptures éphémères. Puis, sur le grillage j’accrochais mes gants en laine « pour un mendiant ». Nous nous allongeâmes dans la neige et prîmes en riant un bain de lune... Après, je m’amusais à faire des empreintes de chat, d’oiseau dans la neige sous ton regard amusé et des empreintes qui partaient dans des directions abracadabrantes, en riant de plaisir en songeant à la mine éberluée des passants au matin...
Nous rentrâmes et ce soir là, cette nuit là, fut notre première nuit ensemble. Que ces instants furent magiques. Cette neige, ce soir près de 20 ans plus , a effacé le temps et tout ce qui nous a fait cheminer tous deux sur des routes qui lentement se sont écartées. Qu’importe, quelque part, deux étudiants continuent de s’aimer dans la blancheur de la neige. Et cet amour je le vois parfois briller dans les yeux tendres de mes enfants...
Ven 27 Jan 2006, 19:46 par dolce vita sur Histoires d'amour

Dans mes bras.

« Prends moi dans tes bras » me demandait un jour ma compagne. Je ne comprenais pas, mais j’ai été touché par tant de simplicité sincère, alors je l’ai prise dans mes bras.

Plus , bien plus , une autre compagne ne me le demandait pas, mais venait s’y lover et s’y endormir. Dans mes petits bras malhabiles.

Et après l’amour, il y est aussi, ce moment, des fois. Bien trop rarement à mon goût finalement. Dans un abandon total, je m’endors sur toi dans une paix sans nom, ou c’est toi qui t’endors dans mes bras, ton petit visage collé à la peau de mon cœur heureux.

Tu vois ?

Aujourd’hui, je voudrais prendre quelqu’un dans mes bras. Encore me sentir à la fois cette terre d’accueil et par ce geste réceptif donner du mieux que je peux ce qui va la réconforter pour des raisons que j’ignore.

Prendre quelqu’un dans ses bras, c’est encore plus beau que de lui faire l’amour, je trouve. Cela demande tellement de force et de sincérité. Peut être parce qu’à ne pas bouger on entend mieux le cœur alors...

Je n’ai pas souvent pris mes parents dans mes bras, et vice versa. C’est dommage, c’est un geste d’amour si beau, si noble, si fort, un cadeau simple que l’on pourra offrir à un autre en partage.

Si un jour je suis papa d’une petite fille, je la prendrai dans mes bras.
Lun 23 Jan 2006, 21:13 par PetitPrince sur Un monde parfait

Il avait été une fois…

Il avait été une fois…


Au commencement était l’ « énergie ». Ce n’est que bien plus qu’ils l’appelleraient « lumière », ou « esprit », ou « divinités ».
Elle n’avait pas conscience d’elle-même, vu qu’elle était tout et tout était elle. N’ayant pas de limite, elle n’éprouvait pas le besoin de se définir en tant qu’entité, en tant qu’unicité, puisqu’elle était tout.

Mais un jour, vint l’ennui. Il se matérialisa par un effondrement de son tout sur lui même. Se condensant à l’extrême, une nouvelle forme en sortit. « Ils » devraient encore plus l’appeler « matière ».

La matière, inconsciente, devrait quand même toujours garder le souvenir instinctif de son état inconscient précédent. Elle devint à certains endroits des monde-entités. Chacun différent, mais chacun une lueur des autres, un reflet dans un miroir déformé de ce que les autres auraient put être.
Contigus mais sans contacts, ils étaient des échos infinis quasi-conscients les uns des autres.

Et la matière s’organisa, se complexifia. Elle devint vies. Ces vies développèrent chacune un don. Pour certaines, c’était l’altruisme, découlant de l’air, l’eau, le feu et la douceur dont avaient besoin d’autres.
Pour d’autres, la communication afin de pouvoir se développer à un rythme raisonnable, car « ils » n’avaient pas les capacités des premiers. Les sons se firent mots, les mots se firent idées et les idées devinrent poètes pour les moins matérielles de ces formes de vies. Mais elles s’enfuirent bientôt dans les hauteurs pour devenir une légende oubliée : le peuple du ciel. « Ils » les appelleraient, pour les plus inquiets d’entre eux, Anges.

Enfin, l’énergie n’ayant pas totalement disparu, elle fit ce qu’elle savait faire, être la synthèse de son état précédent, ne retenant que le meilleur de chacun.
La forme sensible, tactile, sensuelle des seconds lui permis de s’ancrer. Elle retint les aptitudes des premiers, qu’elle trouvait plus en adéquation avec ce qu’elle avait été auparavant.
Ainsi naquirent les salamandres, les ondines, les gnomes et les sylphides.
Les salamandres réchauffaient le monde-entité, lui donnant la chaleur nécessaire à son épanouissement affectif. Sentant que cette chaleur était voulue par « eux », elles devinrent des entités indistinctes, à la lisière de ce qui est palpable. Mais parfois, elles se mêlaient à eux, afin de comprendre…
Les sylphides lui apportaient leurs souffles, permettant au peuple du ciel de rester en suspend, éloigné d’ « eux ». Ne sachant que choisir entre les différentes formes d’eux, elles convinrent que choisir, c’est renoncer, et mêlèrent tous leurs attributs. « Ils » les auraient qualifiés d’ « androgynes » s’ils avaient vraiment compris le sens caché de ce terme…
Les ondines intuitives, aimèrent la source de vie et ne cesseraient jamais de caresser leur ancêtre-créateur de leurs mains liquides. Le berçant dans leurs bras liquides afin d’effacer toute blessure, toute souillures. Elles seraient aussi à l’occasion ses larmes.
Enfin, le gnomes, sans cesse cajolés par « eux » finirent par leur ressembler. Ils étaient le berceau d’ « eux » dans certaines croyances, affirmant que ceux qui se baptisèrent « hommes » avaient étés pétris en eux. Au sens figuré, ce n’était pas totalement inexact. On pourrait donc dire qu’ « ils » étaient en partie un prolongement de la Terre. Certaines finirent même par se mêler à eux, perdant en partie leurs dons particulier de créateurs, mais partageant les balbutiement de ce don perdu, envolé avec le peuple du ciel : l’empathie. Certaines ondines et salamandres inquiètes les suivirent, faisant pour eux ce que les sylphides avaient fait pour le peuple du ciel. Ils furent protégés et s’installèrent définitivement sur leurs monde-entités.

Mais un jour, un « ange » finit, lui aussi, par s’ennuyer. L’état de béatitude perpétuel de son peuple, immobile dans les bras soyeux des sylphides, loin des autres parties de ce qu’il sentait être une partie distincte mais intégrante de ce qu’il avait été lui devint second.
Il se projeta dans un humain à naître avant que ses compagnons ne puissent lui expliquer. Le seul don qu’il reçu, nouvelle forme d’existence au milieu des autres formes fût l’oubli. Oubli de ce qu’il avait été, ne gardant que la nostalgie des bras des sylphides.
Ni homme, ni ange, il avait tout à découvrir, de même que ceux issus des autres éléments et des hommes. Il proliféra néanmoins, toujours à la recherche de cette douceur perdue, de la joie des idées, du plaisir des mots, égaré au milieux d’une réalité pas tout à fait sienne.

Les humains comprirent quand même que quelque chose n’allait pas dans ce qui était. Ils inventèrent de nouvelles religions et leur donnèrent le nom de sciences.
L’un d’eux, Heisenberg, le seul à saisir le langage du peuple du ciel, intuita que tout ne saurait être lié. Il devait exister d’autres « ailleurs », d’autres « ici ». Il fût l’origine de ce qu’on formula pompeusement « ailleurs quantiques ». C’était juste l’explication du fait que tous les monde-entités étaient uns, mais liés. Qu’ils étaient chacun des possibilités des autres.
Les descendants des anges comprirent pour certains qu’ils n’avaient pas leur place céans. Que ces extrapolations de ce qui pourraient être ne suffisaient pas par rapport à ce qui aurait dû dans l’Absolu. Ne sachant pas comment partir, le « où » étant exclus par sa théorie, ils disparurent.

L’un d’eux, ne comprenant pas trop pourquoi restât. Il fût considéré comme la sentinelle. Il est la mémoire de ce que l’on oublie. Cette mémoire le fait souffrir mais c’est son « rôle ». Il comprend certaines choses intuitivement, car il conserve une partie de l’empathie, mais n’est pas assez humain pour savoir la communiquer vraiment.
Il rencontre parfois des êtres dans lesquels il retrouve la douceur des sylphides, leur complicité, leurs traits, mais…
Ces êtres vivant dans un des monde-entités ne sauraient se mêler au descendant des anges même s’ils lui font recouvrir une partie de ce qu’il a oublié. Qu’il leur fait intuiter des choses qu’il ne savait pas vouloir soupçonner. Touchant l’héritage des élémentaires, il réalise sa forme d’énergie. Ses premiers pas.
Il commence à déplier ses ailes.

Et puis, il comprend à la longue. Il doit partir lui aussi, comme les demi-anges, ses compagnons. Il comprend que ce ne sont pas des anges déchus, comme les « eux » les ont nommés. Il comprend. Il comprend qu’il ne peut pas expliquer car ça ferait mal aux habitants du monde-entité qu’il a approché. Il comprend que rien n’est gravé dans la pierre, tout est écrit dans le sable, un jour de vent.
L’histoire, la fin de l’histoire, elle ne s’écrit pas. Alors qu’il comprend ça, il retrouve des pans de mémoire.
Cette mémoire d’un château dans le ciel, d’un château où il vole, où il saisit ce qu’est l’énergie, où, de même que les humains réalisent des biens, des actions, des choses, il pourra même réaliser l’énergie.

Et puis, à l’aube d’un matin, il quitte son enveloppe, la laissant derrière lui, finissant de déplier ses ailes, redevenant un vrai descendant d’« ange », il s’élance pour retrouver, à mi chemin entre les anges et les hommes l’endroit qui est le sien. Suffisamment homme pour avoir besoin d’un « où ». Ils se retourne, voit les visages des humains qu’il a aimé, parmi la foule innombrable de tous ceux des monde-entités et sort de ce qui est matière pour retourner à l’état de non-souffrance. Hors du temps, il flotte.

Il nomme son univers de béatitude Uchronia. Et pour la deuxième fois, à l’envers, il oublie. Il oublie jusqu’au souvenir de tout ce qui a suivi, de tout ce qui précèdera.
Lun 23 Jan 2006, 20:17 par Ambriel sur Un monde parfait

J'attendais, j'attends et ...

Est-ce que vous vous êtes jamais ennuyé au point de vous dire « Tiens pour m’occuper, je vais écrire un livre !!! ». je suis sur que si, car comme moi, vous vous êtes forcément retrouvé seul au moins une fois dans votre vie.

Reste à trouver le thème de votre livre ! Parlez de politique n’intéresse personne et même pas moi ; du temps qu’il fait, ben il fait gris mais il n’y a pas de quoi écrire des pages sur le sujet...

Alors je vais tout simplement, vous révélez un peu de moi et pas de moi en même temps !

Là, je suis sur que vous vous dites que ce personnage, derrière son clavier, et complètement fou !

Qu’est ce que j’attends en écrivant ce livre ? A vrai dire, rien de particulier ! Je ne suis même pas sur qu’une personne lira ces lignes...

********************

Je ne dois pas vivre à la bonne époque. Comme moi, vous entendez par votre famille, vos collègues, « ah là là, de notre temps c’était pas comme ça... » et vous rêvez de leur répondre « Tu me fais chier avec ton temps, ne me fais pas croire qu’en 10 ans le Monde a t’en changé que ça !!!!! »

Mais tout au fond de vous, vous vous dites que tout de même à « l’époque » ça devait être génial !!! On ne se sentait jamais seul !! Oui peut être qu’on allait à l’école en tracteur, peut-être que l’on avait moins de moyen... mais aussi rarement on se sentait aussi seul.

Aujourd’hui, nous sommes le 20 janvier 2006, j’ai 23 ans et j’ai décidé de prendre un jour de repos afin de faire autre chose de ma journée que de travailler. Et aujourd’hui, ben effectivement, ma journée a été différente, je n’ai pas été bosser, mais au final rien n’était différent que la veille car j’ai « ATTENDU !!!!!! ». Attendu quoi, je n’en sais trop rien ! Peut-être un message, peut-être une rencontre intéressante, un grand amour ou même un petit, des amis, mais rien de tout ça n’est venu !

Enfin, j’ai quand même eu de la chance, j’ai rencontré Papi dans le jardin public. J’adore le jardin public, ses senteurs, son paysage, sa vie... Un endroit qui nous permait encore de rêver au milieu des bruits de la ville! On y rencontre toujours des « comme nous », des différents ! Effectivement, j’ai aperçu un jeune homme qui jouait de la guitare. Jouer de la guitare n’a rien d’exceptionnel me diriez vous, mais lui, il jouait de la guitare dans un arbre et ça il faut dire que c’est pas commun. J’ai croisé aussi Monsieur Canard qui essayait de ôter la virginité de Mademoiselle Canette ! Et je dois dire qu’ils sont quand même plus habiles que nous, et, surtout, beaucoup moins timide !!

Revenons à Papi que j’ai rencontré dans ce parc ! Lui, aussi était seul ! Je suppose que sa femme avait du le quitter plus tôt que lui . Il est venu me parler car il a du remarquer qu’un point commun nous unissait : la solitude et l’attente ! Moi, j’attendais un événement spécial qui aurait pu bouleverser ma vie, et lui, l’apparition de la mort pour l’emmener rejoindre son épouse. Il s’est approché de moi et ...

- Bouh , qu’il fait froid aujourd’hui !

Je n’avais pas forcément envi de lui parler, mais les traits de son visage si triste, m’ont bouleversé ! Le temps ne devait pas l’aider à être joyeux et moi même me sentait pris de cette tristesse du monde. Ce ciel gris, ce froid paralysant... J’ai tout de suite senti que ce Papi était mélancolique et que je n’allais pas échapper à la traditionnelle conversation sur le temps passé où calèches et chevaux étaient plus présents que les voitures à moteur et polluantes. Je décidais donc de l’écouter et passer un petit bout de temps avec lui, surtout que assis à mes côtés, il me regardait en espérant qu’une chose, que je réponde à ces premiers mots !

- Je ne vous le fais pas dire, mais ça fait du bien de se promener, de prendre l’air. Lui dis-je
- Et encore, vous, vous êtes plus couvert que nous à l’époque. Vous voyez, moi, j’ai 83 ans, j’avais 22 ans quand la guerre a commencé ! je m’en suis sorti et je remercie Dieu de ce cadeau. Grâce à lui j’ai pu rencontrer ma femme.
- Ah vous êtes mariés ?
- Oui, enfin je l’étais, elle m’a quittée il y a 5 ans, cancer du sein.

J’ai senti à ce moment que Papi attendait du réconfort de ma part mais moi même étant mélancolique à ce moment là, ne trouvait pas de mot assez fort pour l’aider. Je laissais là un blanc dans cette conversation.

- Et vous jeune homme, il n’y a pas une charmante jeune fille dans votre vie ? me dit-il pour reprendre la conversation.
- Et non, malheureusement, personne est à mes côtés non plus pour égayer mes jours d’hiver. J’aurais pu à ce moment là dévoiler ma vie, lui raconter que j’étais très timide et bisexuel... mais il ne m’en laissa pas le temps ce qui ne fut pas plus mal.
- Ah ! c’est pas évident dans l’époque où vous vivez ! le travail, les biens personnels sont devenus les choses les plus importantes ! les rencontres sont plus difficiles, les gens sortent moins et quand ils sortent c’est qu’ils sont déjà en couple ou entre amis ! Ah, les discothèques existent bien pour des jeunes comme vous, mais comment rencontrer du monde dans des endroits où la musique est tellement forte que l’on ne peut se parler! Moi, à mon époque, on ne sortait que dans des bals conviviaux. On mangeait d’abord en discutant avec nos collègues de buffet et après on dansait sous le son des accordéons. C’est comme ça , voyez-vous que j’ai rencontré Anita.
- Anita était votre épouse ? lui demandais-je pour lui montrer que j’étais intéressé de son passé.
- Oui tout à fait ! On s’est rencontré le 16 août 1955 dans un bal Gersois à côté de Auch ! Et malheureusement, elle ne m’a pas attendu pour partir... Enfin, tout ça pour vous dire, jeune homme, que je n’aurais pas aimé vivre à votre époque...

J’ai senti à ce moment là, à l’expression de son visage, que ça y est , il en avait assez pour aujourd’hui et qu’il allait partir. Sûrement pour être sur de ne pas rater la finale de « questions pour un champion ». J’aurais aimé qu’il reste un peu pour ne pas me laisser sur ces dernières paroles qui, je le savais, allait me rendre encore plus sceptique sur l’avenir. Mais malheureusement, il me souhaita une bonne soirée et s’en alla en me disant « Peut-être que l’on se recroisera un de ces jours ! »

Je me retrouvais donc, une fois de plus, seul sur un banc à regarder papi marchant d’un pas lent dans l’allée, Monsieur Canard encore à poursuivre sa Cendrillon, le guitariste dans son arbre qui intriguait tous les bordelais comme moi, seul et qui espérait rencontré quelqu’un.

Je m’y sentait bien dans ce parc car un rien m’amusait ! Les femmes à poussette étaient les plus présentes dans l’après-midi et, plus la journée avançait, plus le parc changeait d’ambiance. Même sans montre, et sans soleil, on arrivait à connaître l’heure qu’il devait être. D’abord, une rafale de « gamins » sortaient du derrière de chacun des arbres en se balançant des pignes de pain dessus. Je me disais qu’il devait être quatre heures et que la sonnerie des écoles avait du retentir. Ils se couraient après et le calme qui se trouvait dans le parc disparu en un clin d’œil . Puis défilèrent, les lycéens et encore plus toutes les personnes qui rentraient du boulot !

J’ai toujours adoré regarder les gens dans la rue, dans le métro, mais le jardin public était mon endroit préféré. Je m’asseyais seul sur un banc, fermais les yeux pour trouver le calme et me sentir seul et d’un coup m’amusait à les rouvrir quand j’entendais des crissements de gravier devant mon banc.

Au premier coup d’œil, je vis une mamie, bien bourgeoise, qui promenait son teckel. On dit que les jeunes sont irrespectueux, mais que dit-on des bourgeoises qui font chier leur teckel au beau milieu d’une allée en gravier et qui ne ramassent même pas les déchets ! je rêvais pourtant de voir la bourgeoisie Bordelaise, se pencher, sortir la poche en plastique pour ramasser la merde de leurs clébards encore toute fraîche.

Au deuxième coup d’œil, je tombais droit sur le regard d’un homme qui devait se dire « Tiens j’en aurais bien fait mon casse croûte de celui-ci » en me regardant. Je les refermais donc d’un coup, par peur, et gêne.

Enfin au troisième coup d’œil, je vis trois ou quatre personnes qui couraient rejoindre les leurs d’un pas pressant avec leurs mallettes à la main . Je me suis donc dit que le moment était venu de rentrer chez moi.

Mais avant, je décidais, de m’adonner à un petit jeu de destin : « Si la pièce que je jette, tombe sur pile, cela signifie qu’il faut que je restes car mon grand amour va arriver . Si c’est face , je rentre et je mange du crumble !!! »


C’était Face !!!!

Encore une journée où j’ai attendu la même chose....
Lun 23 Jan 2006, 18:00 par Petite_fleur sur Un monde parfait

Chacun doit trouver son chemin

Promenant mes errances au fil de ces écrits
qu’un ami bien veillant m’aura recommandé
je fuis la lassitude d’une journée sans envie
du coin de mon bureau d’ou j’me prends à rêver

J’ai lu avec entrain les humeurs vagabondes
de celui qui nous conte son âme d’homme des sables
tu as l’ verbe joli et la rime féconde
du goût de quelques vers le spleen reconnaissable

j’ai autrefois aussi eu des errements d’esprits
la tête dans les étoiles à réinventer la vie
à remettre à plus , j’ai vu passer le temps
et des moments heureux j’ai raté bien souvent

D’avoir vécu d’idées, d’avoir beaucoup écrit,
d’avoir chanter l’amour je suis fier aujourd’hui,
j’ai cru toucher le ciel et l’ai surement atteint
même si au fond du gouffre on se reveille matin

Aujourd’hui je suis là, j’ai rencontré sa mère
elle ma donné un fils et m’a ramené sur terre
je mène un train de vie un peu plus matériel
mais ne suis jamais seul et c’est bien l’essentiel

Bien sur, c’est moins facile pour vivre tous ses rêves
et je ne gagne plus ni les cieux ni l’enfer
construisons notre vie avant qu’elle ne s’achêve
avec du bel amour à ceux qui nous sont chers

Je garderai la foi, qu’à mes moments perdus
je puisse encore souvent, m’échapper vers les nues ...
Ven 13 Jan 2006, 23:25 par La vie est un poême sur L'amour en vrac
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