La voie royale

- "Merde, je vais finir par être en retard…"
Ils s’étaient tous donné rendez-vous pour ce réveillon de la St Sylvestre, à 20 heures, dans la large bâtisse de leurs amis. Il avait eu pas mal de petites choses à faire avant d’attaquer l’année nouvelle ; tout était ok, mais maintenant, il craignait d’être en retard. Un regard furtif au réveil de la chambre. Les vêtements étaient prêts : pantalon au chic italien incontestable, pull col roulé noir, sous-vêtements, chaussures en cuir et semelles épaisses formeraient un bon rempart contre le froid de la neige tout en restant sobres, élégants. Parfait. Il ne lui restait plus qu’à filer sous la douche. Son miroir lui rendit un clin d’œil complice.
Lorsqu’il s’installa au volant de la voiture, il fit la moue : on ne voyait plus le ciel et la neige qui tombait en rideaux compacts le fit hésiter. Rouler seul sur ces routes de montagne était vraiment de la folie mais l’idée du réveillon surprise qui l’attendait le décida. Il s’était engagé à venir, les victuailles déposées sur la banquette arrière, on comptait sur lui, et puis, il en avait envie, il avait son portable, dans le pire des cas si vraiment il était coincé, il ferait demi-tour. Le moteur se mit à ronronner. Et lui, il se mit à chantonner, la radio en marche pour lui tenir compagnie…
La route avait perdu ses repères familiers, il croisait des ombres furtives qui glissaient dans la nuit de décembre dans des halos de lumière vacillante.
Il se trouva sans s’y attendre devant une patte d’oie. Tiens, je suis où là ?! Il avait beau rassembler ses souvenirs, il ne se rappelait pas avoir jamais eu à hésiter sur le choix de la route : c’était, au sortir du rond point, tout droit jusqu’aux G., « LA » route que tout un chacun empruntait. Hormis les chemins vicinaux, il avait beau creuser sa mémoire mais il n’en voyait pas d’autres. Les feux n’arrivaient pas à éclairer les panneaux devant lui. Bon, de toutes façons, se dit-il, c’est tout droit, puis à gauche mais pas avant quelques km, alors, pourquoi tergiverser, allons tout droit ! Et ce pensant, il s’engagea sur la route médiane…
Ecrit le  Dim 03 Jan 2010, 08:55  par 
dolce vita
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La voie royale (suite)

Cela devait faire une demi-heure environ qu’il roulait ainsi sans trouver autre chose à présent qui s’offre à la vue que le balai saugrenu de la neige. Moins dense certes, elle éclatait en gerbes blanches à la rencontre du pare-brise, feux d’artifice silencieux. Cela faisait bien longtemps qu’il aurait dû trouver l’embranchement de la route sur la gauche, menant aux G. Au lieu de cela, il avançait a priori au milieu d’un parc majestueux dont les arbres – de grands résineux – marquaient l’imposante structure. Je deviens fou, ma parole, d’où sort cette route droite et quels sont ces hauts murs que je distingue au loin ?! On n’était pas à Vizille ici, du reste, il n’avait jamais entendu parler de château, fut-il en ruine. Quelle était cette fantaisie ? Et quel étrange lutin s’amusait à lui jouer des farces ?! Des goutes acides perlaient sur ses yeux ébahis, les brûlant au passage… Bon, il va falloir que je retrouve ma route et je n’ai pas d’autre choix que d’aller au bout de cette allée pour demander aux maîtres du logis mon chemin. Après bien 5 mn de route encore, il finit par se retrouver dans la cour centrale d’un château de pur style renaissance. Le perron était éclairé et l’on pouvait entendre de la musique aussi bien que des rires et la voix joyeuse de nombreux convives. Il secoua la neige sur ses épaules et cogna à la porte au moyen d’une main de bronze finement ouvragée. L’effet fut immédiat. Un maître d’hôtel de belle apparence, quoique surannée, ouvrit la lourde porte et s’effaça devant le nouvel arrivant.
- Ah ! Monsieur, vous vous êtes fait attendre, si Monsieur me permet cette familiarité. Le choix de votre costume est curieux et je vois que vous avez fait fi de votre loup ? Plaise au Ciel que vous puissiez porter celui-ci sans trop de disgrâce. Non, voilà qu’il sied à merveille à votre visage. Bien, cela est mieux. Je vais annoncer Monsieur. Si Monsieur veut bien me suivre.
Et, s’engouffrant dans une vaste pièce ornée de miroirs, de satins brochés, de dorures et de nombreux chandeliers au luxe insolent, il lança à la cantonade :
- Monsieur Le Vicomte.
Et ce furent des « Ah !!!» et des « Oh ! » qui accueillirent cette annonce. Quelques belles dames vinrent à la hâte faire la révérence et prirent par la main sans plus de façon notre homme, médusé, qui n’arrivait pas à faire sortir un seul son de sa bouche tant il était surpris par l’énormité de l’aventure.
Elles le conduisirent tel un homme ivre au travers de petits salons, de corridors, et autres antichambres jusqu’à un boudoir et disparurent un instant avec de petits rires feutrés. Puis, revenant à lui, elles ôtèrent de ses épaules le lourd manteau qu’il portait et le transportèrent au milieu d’une chambre baignant dans une lumière tamisée. Elles refermèrent la porte avec grâce derrière elles. Les bruits et les rires s’étaient tus.
Un feu de cheminée crépitait joyeusement. Au sol, de lourds tapis d’orient et des coussins de soie. Un doux parfum flottait dans les airs, mélange de fleur d’oranger et de miel. Sur un guéridon, diverses friandises dans des coupes. Des amandes, des nougats, des dragées. Du vin de Champagne à la robe rosée attendait, semi couché dans de la glace. Enfin, derrière des voilages, un lit à baldaquin laissait deviner un corps au repos. Qu’est-ce que c’est que ça, encore, s’étonna-t-il ?! Une femme, couverte d’une simple chemise de drap fin laissait entrevoir un corps qu’il jugea superbe. Mais elle, qu’il trouva si belle selon son cœur, était-elle endormie ou ?! Il avisa une composition florale et se saisit d’une plume bleue parmi un entrelac de fleurs, de plumes et de perles. Il avança doucement, s’agenouillant près du lit, présentant son bras tremblant au dessus de la bouche et vit frémir la plume régulièrement… Ouf, elle n’est qu’endormie. Il approcha son visage, sa joue pour mieux s’assurer du souffle chaud qu’exhalaient les lèvres entrouvertes. Aussi près de la dormeuse, il parcourut du regard les lèvres, le cou, les seins fermes et ronds… Grisé par le parfum de la belle, il laissa sa bouche se poser sur un téton, sa main épousant l’autre sein. Elle poussa un léger soupir, son pouls s’accelera. Tout avait l’air si délicieusement réel qu’après tout… Il s’enhardit, caressa le ventre, le bas ventre et écarta avec soin les deux pans de la chemise…
Ecrit le  Mer 06 Jan 2010, 09:14  par 
dolce vita
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La voie royale (fin)

Il la sentit frissonner alors qu’il s’apprêtait à poser les lèvres sur le pubis dévoilé que la lumière du foyer teintait de couleurs chaudes et luisantes. Mais elle eut un mouvement presque imperceptible, qui le stoppa dans sa progression. Et pourtant, comme il la désirait ! Il la regarda sans plus rien entreprendre, le cœur battant, à l’écoute. Elle ouvrit deux yeux d’océan et les posa sur lui tandis qu’un sourire heureux épanouissait son visage. Tout son corps de mâle était en feu.
- Vous êtes sur ma couche, mon doux ami, mon beau Seigneur. Et elle soupira. J’étais par trop sevrée de vos caresses. Comme vous fûtes long à guerroyer. Enfin, vous voilà ! Venez…
Et pour l’encourager à l’honorer, elle écarta un peu les cuisses, dans un geste sensuel, lui laissant l’avantage de la décision…
Il ne savait plus s’il devait rire ou l’interroger ou simplement la détromper (pour qui me prenez-vous ?!) ; fuir aurait été le plus sage : qui était ce vicomte pour qui les portes les plus intimes tombaient sur le champ sans l’ombre d’une résistance? Où était-il, lui-même, dans quel étrange lieu de passage et où était partie sa raison ? Et enfin, qui, ou plutôt, quelle, était-elle ?Il ne savait plus très bien qui il était lui-même. Il sentait son sexe, dur, cogner contre l’étoffe de son pantalon. Les jambes longues aux attaches fines, les grands yeux ouverts, toute la grâce de cet être délicieusement envoutant l’appelaient… Etait-elle fée ? Il décida de se laisser porter. Cette histoire était par trop invraisemblable et par trop enivrante pour espérer résister. Il pencha le torse, son visage s’approchant inexorablement de ce puits de délice qu’il réclamait tandis qu’elle laissait glisser un pied et exerçait une légère pression tout contre son membre douloureux .
Il faisait froid et sombre. Où suis-je ?! Bon sang, quelle heure il est ?! Les feux de route éclairaient le chemin descendant aux G. dans un lacet souple. Il était garé à côté de l’abri d’autocar. Ma parole, je n’y comprends plus rien ! J’ai dû quitter la route et le choc m’aura fait délirer ! Mais, alors, quel délire, waouh !! Il revit leurs deux corps merveilleusement mêlés… Il avait encore dans la bouche la saveur du champagne qu’elle avait laissé couler sur sa peau. Il jeta un coup d’œil à l’horloge sur le tableau de bord : 19h50. Incroyable ! Il avait remis le moteur en marche et la chaleur commençait à circuler à nouveau dans ses veines, sa raison doucement reprendre ses droits. Quelle nuit ! Il passa une main nerveuse sur son front pour rejeter en arrière l’épi de ses cheveux bruns tandis qu’il faisait une manœuvre pour rejoindre la chaussée. Il actionna le feu clignotant et s’engagea sur la route des G. Le geste sans doute un peu trop appuyé provoqua près de la taille, à l’aine, une légère piqure. Il porta tant bien que mal, du fait de la ceinture de sécurité, la main dans la poche de son pantalon et en sortit une simple plume. Bleue.
Ecrit le  Sam 09 Jan 2010, 15:12  par 
dolce vita
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L’amour fantastique

L’amour fantastique De Chrétien de Troyes qui célèbre l’amour courtois à grand renfort d’un merveilleux prenant place en la mythique Brocéliande à Audrey Niffenegger (The Time Traveler’s Wife), en passant par tous les Avatar de James Cameron, l’amour vous transporte parfois d’un quotidien désenchanté aux pays des merveilles. En clair, le fantastique est à portée de vos cœurs. Laissez couler le récit de ces histoires d’amour à en perdre le sommeil.
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