- Bonsoir, vous êtes Philémon ?!
Elle aussi semblait transie. Mais son manteau est bien plus court que le mien, me dis-je in peto. Sceptique dès le début par l’opportunité de cette rencontre, je le demeurai, comme un vieux con blasé, avec cette pensée acerbe. Un vieux con, grelotant dans un manteau mal taillé, sur une place de l’Opéra dont le faste ne l’émerveillait plus depuis bien longtemps. Je répondis en claquant des dents malgré moi.
- C’est moi...Et, vous, vous êtes ?
Elle ne répondit pas immédiatement. Ces yeux verts, ronds comme des billes, me firent l’effet de deux radars perçant la pluie et mon âme en un instant. Un peu comme si sa réponse allait être conditionnée par ce qu’elle semblait chercher dans l’abîme de mon regard blasé.
- Moi, je suis Cornelia. Et oui, je suis nue sous mon manteau, ainsi que vous l’aviez souhaité. Et à vrai dire je me demande pourquoi je me pèle les miches pour vous devant cet opéra de mes deux.
Son regard me sortit de la torpeur où j’avais sombré. Ses yeux avaient cessé de me scruter et dardaient d’une fureur sortie tout droit des abîmes.
- Excusez-moi, je crains de ne pas comprendre. Je ne vous ai jamais demandé de venir. Et encore moins nue sous votre manteau, répondis-je interloqué, sincère et à vrai dire embarrassé au point d’en perdre ma superbe.
Elle ne répondit pas tout de suite. Elle me réexamina le temps d’un simple regard, puis fit demi tour dans un volte face aussi léger qu’imprévu.
Le temps de réagir, elle s’engouffrait dans l’entrée du métro, laissant sur les marches l’image de sa silhouette chaloupée.
- Attendez ! m’écriai-je.
Je me surpris à courir vers cette personne inattendue, me débrouillant tant bien que mal avec ces marches, cette rampe, mon foutu manteau trop long et mes dents qui claquaient. Je voulais la rejoindre, lui demander. Commencer. Recommencer. Recommencer à désirer, en somme. Enfin... je crois.
Lorsque je poussais enfin les portes battantes du métro presqu’en trébuchant, cherchant du regard cette Cornelia qui ne devait pas être bien loin dans le carrefour déserté, je ne la vis pas.
Baissant les yeux, je butai sur son manteau.
Ecrit le
Dim 03 Jan 2010, 20:43
par PetitPrince,
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